vendredi 22 janvier 2010

Un nuage, passant au dessus de ma tête, est mort ce matin.... ("Milk-Man vs. The Unknown...")



 -Une histoire écrite spécialement pour les pieuvres-



UNO

Dans la chambre de mon laitier, les livres étaient couchés; côte à côte. Celui qui se retrouvait en ces lieux occultes pouvaient lire avec effroi des titres de bouquins tels que l’Art de la vengeance : volume 8, Comment supprimer une famille entière avec une paille en plastique et un bout de ficelle et Histoire complète de la pasteurisation laitière : une révolution. L’homme dans la fin quarantaine avait deux passions qui lui dévoraient l’âme à grandes croquées : les produits laitiers et la haine de la race humaine.

Cet être érudit, aux os rendus quasi indestructibles par l’apport quotidien de calcium dans son entité corporelle, avait un vice des plus odieux : le crime. Frustré de voir son métier ridiculisé par la populace indigne, il avait décidé de jouer les justiciers nocturnes et de semer une terreur lactée sur la ville endormie.

Le jour, il n’était que Jules Carpentier ou « monsieur le laitier » pour les centaines d’enfants ricaneurs qu’il croisait sur son parcours du dimanche… Mais une fois la nuit venue, il se transformait en MILK MAN™, le terrifiant hors-la-loi armé de ses berlingots explosifs et de son pistolet à crème 35%. Ce renégat perfide dévalait les rues de Trois-Rivières dans sa fidèle Dairy-mobile (une Pony 1987 adaptée) et assaillait tous ceux qui osaient se mettre dans son chemin, leur offrant à tous et à toute un milkshake deux saveurs : vanille et MORT. Cinq personnes avaient tragiquement perdu la vie en osant affronter cet être surhumain, drapé d’un horrible costume de cornet de crème glacée et d’une cape tissée uniquement de tranches de fromage jaune orange.

Cet effroyable génie du mal s’apprêtait à rencontrer un adversaire à sa taille lors de cette nuit funeste d’Halloween 2008. Mais ça, il ne le savait pas encore…



SKIP-BO

Complètement défoncé, le jeune Gratien Picard titubait de trottoir en trottoir, errant tel un cadavre animé dans la ville. Il était trois heures du matin. Revêtu d’un habile accoutrement de viking, Gratien revenait d’une fête déguisée bigrement arrosée. Un peu trop d’ailleurs. Il avait beaucoup de difficulté à se souvenir de ce qui s’était passé lors de sa soirée, juste qu’il avait perdu la carte quand Loïc avait mis « Downward Spiral » de groupe américain Nine Inch Nails dans sa chaîne audio. Aux premières notes métalliques de « Mr. Self-Destruct », Un « trash » retentissant avait sévit dans le salon de Loïc, qui aurait probablement beaucoup de misère à expliquer la cause de toute cette destruction mobilière gratuite à ses géniteurs adorés qui ne savaient rien de l’existence de la dite fête en question.

Gratien contempla sa main droite. Une plaie peu ragoûtante fixait son regard embrumé. Quelques jours auparavant, notre ami avait été mordu par un gigantesque écureuil au regard méchant alors qu’il était en train de faire une petite ballade sur l’île Saint-Quentin. Et il avait mordu fort le bougre. La blessure saignait légèrement, et autour, on pouvait voir de vilains poils roux qui formaient un cercle régulier.

Alors que le jeune homme inspectait ces développements physiques insoupçonnés, une bagnole toute rouillée dévala la rue sur laquelle il se trouvait et la happa de plein front. Gratien alla s’écraser à travers une cabine téléphone qui se trouvait à sept mètres de là. Bref, le genre de choc qui laisse l’humain moyen dans une condition de décès avancé.


L’horrible Milkman sortit de son engin de mort et éructa d’un rire quelque peu machiavélique. Il marcha à grands pas vers la cabine pour aller constater l’étendue du massacre dont il était l’auteur. À mi-chemin, il entendit un rugissement aigu semblant venir d’outre-tombe. Il s’arrêta et constata avec effroi que les décombres de la cabine se soulevaient grotesquement. Agrippant son fidèle pistolet d’une main chancelante, le laitier s’apprêta à tirer sur la chose qui avait poussé ce cri immonde. Il n’eut pas le temps : un gigantesque et démoniaque écureuil de plus de quatre mètres se jeta sur lui, lui arrachant une partie de son masque et toute la joue gauche au passage.

Ça faisait vraiment très mal et en plus, ce n’était réellement pas beau à voir (on pouvait apercevoir la maxillaire supérieure ressortir par le trou). Mais notre sympathique laitier n’était pas au bout de ses peines. Écroulé de tout son long dans la rue, Milk Man leva la tête et constata que le monstre pileux s’attaquait maintenant à une autre part de son anatomie : sa jambe droite. L’écureuil prit une large « croquée », broyant la chair et les os comme si c’était de vulgaires brindilles. Une fois la quasi-totalité de la jambe consommée, la créature déchira le ventre de sa proie, faisant ressortir par le fait même les tripes et boyaux qu’il se mit à déguster comme de délicieux spaghettis. Tout ce carnage sanguinolent entraînait des hurlements de douleurs assez compréhensibles chez notre renégat lacté.

Après s’être délecté des entrailles du dangereux criminel, l’écureuil se leva d’un bond agile et sembla quitter les lieux, laissant Milk Man gisant dans une énorme flaque de sang, entre la vie et la mort. Ce dernier, à demi inconscient, pensait à tort que ses malheurs prenaient fin jusqu’à ce qu’il entende le moteur de la Dairy-mobile ronronner sournoisement…

La voiture fonçait droit sur lui ! La dernière chose qu’il vue fut la visage énorme et souriant de l’écureuil dans le rétroviseur du véhicule. Une roue lui passa directement sur la tête, aplatissant vulgairement son crâne comme une crêpe bretonne et faisant sortir toute la matière grise par le nez, la bouche et les orbites. La voiture fit volte-face et roula sur le cadavre mutilé du laitier à plusieurs reprises, tapissant la chaussée d’hémoglobine et de membres disparates. Le tableau avait de quoi faire vomir le plus stoïque des nécrophiles.

Lorsqu’on appris les exploits héroïques du nouveau justicier de Trois-Rivières, Yves Lévesque organisa une assemblée publique pour remercier l’écureuil au nom de la ville. Devant tous les médias régionaux et une foule en délire, notre héros dévora monsieur Lévesque et fut nommé nouveau maire de notre glorieuse cité.

Depuis ce jour, la paix règne à Trois-Rivières et les enfants n’ont plus peur de savourer leur portion quotidienne de produits laitiers (tel que recommandé par le guide alimentaire canadien).

C’est tout pour cette histoire, les amis ! N’oubliez surtout pas de vous brosser les dents et de prendre vos vitamines le matin ! 

FIN