"Ce qu'il y a d'admirable dans le fantastique, c'est qu'il n'y a plus de fantastique : il n'y a que le réel."
[ André Breton ] - Extrait du Premier manifeste du surréalisme
"I believe the common denominator of the Universe is not harmony, but chaos, hostility and murder."
[ Werner Herzog ] - Extrait du film Grizzly Man
2001-2002 : Je suis un adolescent boutonneux à l'hygiène douteuse. Ma vie sociale quotidienne se résume à un seul pote (toujours mon grand ami) et mes parents. Je suis en secondaire cinq et ça ne va pas bien du tout. Sans réellement le savoir, je vis en fait ma toute première crise existentielle, le tout s'exprimant par une dépression sourde, agrémentée de crises d'angoisse et de désirs fréquents d'auto-anéantissement (yé !)... Renfermé sur moi-même, incapable d'exprimer ce mal-être à mes proches, je vis ces émotions troubles à travers la littérature et la musique... J'écoute alors surtout du Prog (Genesis, King Crimson, Gentle Giant, Van Der Graaf Generator, Harmonium), du Jazz (Miles & Coltrane) et du Frank Zappa (vous comprenez en partie pourquoi je n'avais pas d'amis)...

Révé-FUCKING-lation !!!!

C'est le début de mon addiction... Je suis junkie et le Black Metal est ma drogue de choix. J'achète d'innombrable albums (tout mon maigre argent de poche y passe) : Darkthrone, Mayhem, Ildjarn, Graveland, Immortal, Ulver, Abruptum, Summoning, Celtic Frost, Bathory, Marduk, Nokturnal Mortum, Arcturus et j'en passe. Je lis avec passion tout ce qui concerne l'histoire du Black scandinave et la mythologie qu'il y a autour : les meurtres, le fameux Inner Circle, les personnages plus grands que nature, aussi pathétiques que fascinants (comme Dead, chanteur de Mayhem, qui, selon les rumeurs, avait l'habitude d'enterrer ses vêtements dans des cimetières pour les imprégner de l'odeur de la mort ou bien de "sniffer" un corbeau mort qu'il gardait dans un sac ziploc juste pour se "mettre dedans" avant les concerts-cérémonies du groupe... Ai-je aussi mentionné qu'il s'est suicidé d'un coup de fusil en pleine tronche et que son bon ami Euronymous a pris une photo de l'après-scène pour en faire une pochette d'album ? Those crazy Norwegians !).
Je laisse pousser mes cheveux. Je fais des choix vestimentaires douteux. Je me crois nihiliste, alors que je ne sais alors pas vraiment ce que ça veut dire. Je prend de longues marches à travers la nature trifluvienne, privilégiant par le fait même cette activité onirique à mes cours de Cégep... Je vis, à travers ma passion pour le Black Metal, ma crise d'adolescence en retard... Je deviens beaucoup plus sceptique et critique (peut-être trop) par rapport aux humains et à la société qui les abritent. Je m'affirme enfin face à mes semblables, sans concession aucune. Mon modus vivandi est alors : "Les gens sont stupides et insignifiants et ce, jusqu'à ce qu'ils me prouvent le contraire". En ce sens, mon périple à travers la socialisation s'opère avec une mauvaise foi évidente mais au moins, il s'accomplit (je tiens à préciser que j'ai beaucoup changé depuis et ce, pour le mieux... ou du moins, je l'espère).
300 albums de Black plus tard... J'ai jeté mon crayon à paupière noir (grand dieux !). Mes passions musicales sont maintenant on ne peut plus vastes (de Roy Orbison à Grouper, en passant par la case Morricone) mais le Black Metal reste un de mes styles musicaux préférés (au grand déplaisir de ma copine, ceci dit). Et ce n'est pas une vulgaire passion de jeunesse à laquelle je m'accroche. C'est un amour authentique et pur ! Il y a tout dans cette musique. Des émotions brutes, non filtrées... Du beau, du laid, du tragique, du mélancolique, de l'horreur, du surréalisme, de l'absurde, de l'insensé, du somptueux, de l'abstrait... Et contrairement aux apparences, le Black, tout comme le Punk, est loin d'être un genre musical centré sur lui-même. Il est évolutif et malléable. On peut l'apprêter à toutes les sauces (voir le nombre immense de sous-genres inhérents au Black... c'est pire que le Jazz ou le Classique). S'agit de bien reproduire l'étincelle magique : ce "buzz" si caractéristique du Black (cet impossible nuage d'insectes "lovecraftiens").
Cette grande diversité peut s'entendre dans la musique du groupe américain Wolves In The Throne Room (qui combinent allègrement Black atmosphérique à la Burzum et Post-Rock), des Suédois d'Abruptum (Chaos vaguement musical : Lautréamont mis en musique, en cris et en notes de piano damnées) et de Lifelover (Ian Curtis de Joy Division en corpse paint), des Anglais de Anaal Nathrakh (Mariage intéressant entre Grindcore et Black) ou encore de l'Australien Sin-Nanna qui, sous le couvert de Striborg, fait jaillir milles fantômes à travers une musique aussi dadaïste que psychédélique, toute en réverbérations kaléidoscopiques.
Bref, j'aime le Black. J'aime son ambiance. J'aime ses acteurs. J'aime son folklore.
Sur ce, je vous laisse sur ces quelques morceaux-clés ayant fait de moi un fan invétéré :