dimanche 3 janvier 2010

La délicate (et riche) réaction sensorielle que procure la rosée printanière sur la région du talon (ou "Macbeth contre les sangsues-ailées")

Ce matin là, les oiseaux n’ont pas chanté. Le chien n’a même pas aboyé. Yvon Duval s’éveilla dans le silence le plus complet, après seulement une heure de sommeil agité. L’homme de 52 ans n’avait pas l’habitude de taquiner l’aurore mais ces derniers temps, son sommeil était des plus légers. Que voulez-vous, rédaction littéraire et cocaïne ne représente pas un régime très approprié pour les lèves-tard de ce monde. Yvon s’était plongé narine et âme dans l’écriture de son premier livre, « les contradictions perpendiculaires ». Le bouquin relatait les fascinantes aventures d’un conducteur de taxi polonais et gérontophile qui périt dans un tragique accident de pédalo dès la première phrase du récit pour se réincarner en brosse à dents électrique quelques pages plus loin. L’ouvrage comportait aussi une scène où se déroulait un combat de boxe thaïlandaise opposant un kangourou et un porte-clé.

Bref, depuis plusieurs semaines, Yvon avait plus ou moins perdu la perception de la réalité mais ça, il ne l’avait pas encore réalisé. Pour l’instant, tout allait pour le mieux. L’auteur, qui portait uniquement une paire de bas mal assortis, se dirigea vers la cuisine d’un pas décidé.
 
Il
ouvrit
son


frigo et agrippa la bouteille de jus d’orange, seul aliment comestible qui y résidait. Les temps étaient durs mais Yvon se dit intérieurement que rien n’est noir ; qu’il n’y a que des différentes teintes de gris. La misère financière qu’il avait connu ces derniers temps avait tout de même donné naissance à son flot créatif et qui sait, peut-être à un chef d’œuvre de la littérature moderne. Une fois la désaltérante boisson consommée, notre héros regarda sa minuscule cour arrière par la fenêtre du salon.


Les ténèbres recouvraient encore le petit matin. Yvon se dit qu’en attendant le Soleil, il pourrait toujours continuer son roman. Malheureusement, il n’eu pas le temps de se rendre à sa chaise. Une dizaine de gangsters porto ricains armés jusqu’aux dents défonça la porte de son taudis et fit irruption dans le salon. Notre auteur adoré devait beaucoup d’argent à la pègre. Neige poudreuse et carte de crédit chargée ne forment pas un combo gagnant et ça, Yvon s’apprêtait à le découvrir de bien fâcheuse façon. On retrouva son corps criblé de balles dans une ruelle sombre et peu recommandable de Montréal. Pour ce qui est de son manuscrit, un policer le découvrit dans une poubelle non loin de là et décida de le donner à un réalisateur qui en fit une méga-production cinématographique avec Vin Diesel dans le rôle de la brosse à dents.

FIN