lundi 1 février 2010

Le Boudoir des Certitudes


Aurore insondable des jours flétries
Manivelle divine dans la main de l’architecte insensé
La couleur du ciel est un détail
Manœuvrer à travers ce matin increvable, s’ouvrir une porte vers l’inconscience
Refuge, échappatoire, cruel, qui te vrille la tête et les sens d’impossible
Tu souhaites…
Tu…
Non, tu fous rien…
Nourriture immatérielle, symptomatique d’un malaise accru
Noir sur blanc
Noir sur noir
Absence de contour
Ton nom fut une épopée minable, s’échouant de peine et de misère sur la morne rive de l’ennui
Celui du monde, celui des autres, le tien surtout
Se secouer l’iris à n’en plus finir, dans l’espoir peut-être…
Qu’elle s’ouvre sur du mieux (écarlate + chauve-souris implosives + délire tribal en mocassins)
Magie des parcelles d’euphorie, qui brillent et s’éteignent…
Cette ondée sur fond de béton et ce couloir musical nostalgique qui s’enfonce tympanisquement en toi…
Adéquation de banalité splendide dans un pot à fleur ayant longtemps expiré (R.I.P.)
L’influence d’un gris renouvelé
Verglas spirituel te coulant dans les veines
Sans défense, tu laisses l’ennui t’envahir, te crever les yeux pour y couler ses missives
L’orchestre fantôme s’enfonce dans les ténèbres voilées d’une nuit-mirage.

dimanche 31 janvier 2010

Broadcast et Valerie

PAYSAGE D'HIVER - Kristall & Isa (Kunsthall / Cold Dimensions)

 

Quand j'ai découvert la musique de Paysage d'Hiver il y a 2-3 ans, je me suis dit : ça y est... le voilà le groupe de Black Metal le plus génial, le plus froid, le plus hypnotique, le plus "raw", le plus "culte"... bref LE groupe de Black Ultime (avec un grand U)... Un mec qui, sous le doux sobriquet de Wintherr, enregistre seul ses cassettes mystérieuses dans ses montagnes suisses glacées et qui par se faire, réinvente le True Black pour en faire quelque chose de résolument unique et magique, complètement propre à lui... Ma plus grosse baffe en matière de Black depuis mes premières amourettes dans le créneau (Burzum, quand tu nous tiens !). Malheureusement, à l'époque, je devais me contenter de vulgaires mp3s, vu la rareté des dites cassettes, éditées au compte-goute. Heureusement pour notre camarade misanthrope et donc pour nous, la quasi-reconnaissance (ça reste quand même plutôt underground) est venue avec l'entité Darkspace (autre groupuscule culte, œuvrant cette fois dans le Black interstellaire ambiant) et donc, la discographie complète de Paysage d'Hiver s'est vue gratifiée d'un passage au format CD et ce, de belle façon (magnifiques pochettes cartonnées, grandeur "boîte à DVD" pour respecter l'artwork originel des cassettes).


Sortie originellement en 2001, Kristall & Isa est le 6ème album du projet. C'est l'équivalent musical d'une ballade suspendue à travers une tempête de neige cosmique, magnifiquement irréelle, infiniment dense et violente. On flotte à travers ce froid, ce givre, ces flocons possédés par un vent rugissant... et on finit par se dire que personne d'autre n'existe, que la réalité n'est plus, que la planète Terre est un mythe, qu'il n'y a plus de monde extérieur à cette tempête magistrale. Il n'y a plus que la plainte d'un vent hostile crachant rafale sur rafale, l'onirisme de ces montagnes enneigées, la froideur de l'existence en ces lieux... Blasts crus qui "buzzent" jusqu'à en devenir des mantras incongrus, hurlements célestes, riffs narcotiques entrelacées dans la nuit des temps, batterie-hypnose, claviers à 40 degrés sous zéro qui tissent des passages ambiant aussi étranges que beaux... le tout porté par la magie croustillante et minimaliste du "lo-fi". Kristall & Isa est une autre réussite de Wintherr. Hypothermie musicale à l'état brut.


RICHARD SKELTON - Landings (Type)


-Janvier : Disque du mois-
 
L'engourdissement des matins brumeux... Ces jours flétris où l'hiver n'est que grisaille fantomatique... Ces matinées irréelles où le lever du corps s'avère difficile et où l'esprit, désincarné, voletant on ne sait où, n'intègre pas l'enveloppe corporelle. Ces jours-tombeaux où l'on se sent constamment hébété, la tête lourde, les pensées floues et vaporeuses, l'âme empreinte d'une inexplicable mélancolie... Comme si on était coincé à la frontière située entre deux mondes, l'un diurne et l'autre nocturne... l'un réel et l'autre chimérique... Vacillant sans cesse d'une dimension à l'autre... Errant dans notre Carnival of Souls personnel, jouant les figurants dans l'hypnotique Coeur de Verre de Herzog. Personnellement, j'adore me perdre dans ces moments tristes et beaux où l'on hante notre propre vie... où l'on se laisse porter par le long fleuve tranquille de l'existence et de l'inconscience.

Richard Skelton parvient à créer une bande-son parfaite pour accompagner ces moments contemplatifs. À travers une musique aussi splendide que nostalgique, mélangeant judicieusement l'ambient, le folk, le drone, le classique contemporain et quelques "field recordings", l'artiste britannique rend un vibrant hommage à sa femme, Louise, décédée en 2004. Ce qui ressort le plus de ce Landings ensorcelant, c'est un sentiment de tristesse résignée, le tout recouvert d'une ambiance spectrale, magnifique et bouleversante.


Dur de parler d'une musique qui n'est qu'émotion brute... Skelton, véritable peintre sonore empreint d'une sensibilité à fleur de peau, crée ici des toiles musicales abstraites qui invitent l'auditeur à un voyage intérieur des plus singuliers. À l'écoute attentive de Landings, on se perd dans des arpèges lancinants de guitare (souvent jouée à l'archet) qui flottent dans des nappes mélodiques diffuses, froides, minimales et tragiques... On se laisse percuter l'âme par ces cordes qui pleurent, suspendues dans un ailleurs incertain... par le chant épars d'une nature anglaise nordique qui s'intègre sublimement à travers l'œuvre... par ces bribes de mélodies distantes semblent provenir d'un passé lointain et assombri par des nuages opaques...

Richard Skelton nous livre ici un des disques les plus touchants et sincères d'une année 2010 qui ne fait que commencer. Un disque essentiel.

Vous pouvez écouter l'intégralité de l'album sur le site du label Type à l'adresse suivante :
http://typerecords.com/releases/landings

mercredi 27 janvier 2010

Sunn O))) dans une église !

INCROYABLE MAIS VRAI... et pourtant tellement logique. Quand j'ai écrit ma petite critique du dernier album de Sunn O))) dans mon Top 30 de l'année 2009, je ne pouvais m'imaginer que le groupe de Drone-Doom Metal le plus populaire de la planète avait réellement donné un concert dans la demeure de Dieu...

Le 26 Mai 2009 s'est tenue cette messe noire dans une magnifique église dominicaine (à Leuven en Belgique). Voici quelques scènes extraites d'un de mes plus gros fantasmes musical EVER !



I Love The Dead



Ceci est une histoire écrite dans mon cours de création littéraire à la session d'automne 2008. J'ai été pris par un désir soudain de juxtaposer les séries américaines Six Feet Under et Dexter (toute deux avec le même comédien principal).

L’histoire que je vais vous raconter commence au petit matin, alors que la phosphorescence flétrie d’un jour d’octobre occultait les ténèbres d’une nuit sans lune. Dans une grande maison de briques rouges, située à la croisée d’un cimetière brumeux et d’une forêt luxuriante, Samuel Trintignant s’éveilla. Après avoir assené quelques vigoureux coups de poings à son réveille-matin qui émettait un son apocalyptique digne d’une sirène d’avant-bombardement, Samuel sortit péniblement d’un sommeil chargé de rêves énigmatiques. S’ensuit une rigoureuse toilette matinale et un petit-déjeuner frugal qui se consomma sur la petite table de travail au sous-sol, à quelques pas d’une chambre froide qui abritait deux cadavres tous frais.

Le croque-mort ne chômait définitivement pas ces derniers temps. Ce matin, il devait travailler sur madame Béliveau, qui avait été poignardée à mort quelques jours auparavant. Du beau travail : trente-sept coups de couteaux, dont un dans la nuque qui lui avait été fatal. Le corps de Justine Béliveau, intégralement couvert de plaies plus ou moins profondes, ressemblait à un gigantesque morceau de gruyère qu’on aurait oublié trop longtemps hors du réfrigérateur. Bref, un dur travail de restauration en perspective… Et cet après-midi, ce serait au tour de Ronald Carpentier de se faire refaire une beauté. Le corps du vieillard, horriblement mutilé, avait été retrouvé l’avant-veille dans un conteneur à déchets d’un quartier malfamé. Son visage avait été abominablement brûlé à la torche, ses yeux crevés par des éclats de miroir et son pied droit allègement scié. Le pied en question avait été découvert dans une boîte postale à proximité de la scène du meurtre.

Habituellement, il aurait fallu plusieurs jours à un thanatopracteur pour redonner une apparence vaguement humaine à un seul de ces putrides défunts. Samuel Trintignant n’était pas un thanatopracteur commun. C’était un artiste, aussi expéditif que méticuleux, qui travaillait sur les dépouilles humaines comme un grand peintre jette son âme sur la toile. Peu importe le degré de décomposition ou la violence de l’accident qui avait mené à la mort, il créait de véritables chefs d’œuvres cadavériques. Plus le défi était grand, plus le résultat était époustouflant. C’est pourquoi en réalité, ce ne fut pas difficile de s’occuper de ses clients. C’est aussi pourquoi le centre funéraire « Trintignant INC » était si réputé dans la région.

Vers le milieu de l’après-midi, Samuel achevait les dernières retouches sur feu madame Béliveau. Il s’arrêta un moment pour savourer une cigarette à l’extérieur et ainsi s’imprégner de splendeur automnale. Octobre avait cet aspect miraculeux… La nature fondant tranquillement en beauté, la couleur des feuilles s’altérant majestueusement jour après jour, la lumière agonisant toujours un peu plus tôt chaque soir… et après venait Novembre, le mois des morts ; le cadavre gris terne d’Octobre qu’on avait perçu au petit matin, le lendemain d’Halloween. Samuel adorait particulièrement ce mois. Sa fête tombait le 1er et il chérissait l’atmosphère morne et funeste qui s’en dégageait. Novembre était son allié ; le reflet de son âme solitaire.

Samuel avait côtoyé la mort toute sa vie. C’était son champ d’expertise. Alors qu’il n’avait que six ans, sa mère périt en tentant de donner naissance à son frère mort-né. Peu de temps après, dans le sous-sol de la maison familiale, Samuel découvrit le corps de son père se balançant grotesquement au bout d’une corde. L’image du visage violacé et grimaçant de son géniteur s’imprima dans son esprit et ne le quitta plus jamais. Au lieu d’engendrer chez lui un traumatisme qui aurait été des plus compréhensibles, elle représentait pour lui un objet de fascination singulier.

Samuel partit vivre chez sa tante Adèle. Lorsqu’il eut treize ans, Adèle fut emportée par un cancer foudroyant. Placé en famille d’accueil, le garçon timide et rêveur ne réussit pas vraiment à lier de véritables liens affectifs avec ceux qui l’entouraient. Adolescent, il se découvrit une passion pour les dessins morbides, le Death Metal, les films d’horreur et la littérature fantastique. Il passait tout son temps libre à lire ou dessiner dans les cimetières avoisinants, y dormant parfois. À l’âge adulte, après avoir jonglé avec l’idée de devenir cinéaste ou médecin, Samuel décida de consacrer sa vie à sa passion. Une fois ses études terminées (avec brio), il ouvrit sa propre maison funéraire. À travers son travail, l’homme s’accomplissait pleinement dans son domaine d’intérêt. Il ne lui manquait plus qu’un hobby tout aussi fascinant. Dans cette optique, il fut donc logique qu’il se tourne vers le meurtre.

Les premiers homicides de Samuel étaient venus d’une nécessité purement financière. Le monde moderne était impitoyable envers les croquemorts. Grâce à l’avancement (et l’accessibilité) de la science médicale, à la pasteurisation, aux lois protégeant les faibles et les pauvres, aux vaccins, etc... Mourir était devenu une occupation plutôt exceptionnelle chez les gens ordinaires. Samuel, en bon capitaliste, avait décidé de créer la demande. La nuit, il s’introduisait sournoisement chez les gens et les étranglait avec tact et précision. Plus souvent qu’autrement, la famille du défunt rappliquait dans son bureau le lendemain et le contrat était signé en moins de deux ; le temps d’assister à quelques crises de larmes. Les coffres s’emplissaient de nouveau.

Par contre, notre thanatopracteur préféré pris rapidement goût à cette besogne immorale. Très habile dès le départ, il y devint aussi très créatif, variant ses méthodes et ses techniques selon la victime. Tuer était devenu pour lui l’art suprême. Il voyait en ses escapes meurtrières nocturnes une interminable partie de « Clue ». Une nuit, c’était le démembrement à la tronçonneuse dans le salon. L’autre, c’était l’éviscération au tournevis à tête plate dans la salle à manger.

Samuel adorait estropier ses proies, non pas par sauvagerie gratuite mais par défi personnel. Sachant qu’il allait travailler sur ces mêmes corps, il adorait s’infliger des contraintes artistiques. Sa dernière lubie, c’était la décapitation. Bien recoudre une tête sur un corps est une tâche extrêmement délicate mais quand cela est fait d’une main experte, le résultat en vaut la chandelle. Ces dernières « ré capitations » valaient toujours à Samuel des commentaires élogieux lors des services. Les madames et les monsieurs n’arrêtaient pas de sortir les classiques « Ah ! Vous nous l’avez bien arrangé ! » ou encore « Elle à vraiment l’air en paix ! »

C’est donc dans l’optique de faire rouler quelques têtes que Samuel sortit de chez lui cette nuit là, vers les deux heures du matin. Il avait fait du bon travail toute la journée ; c’était maintenant l’heure de se divertir un peu. Enfilant un costume sobre, entièrement noir, et agrippant sa trousse de travail qui contenait une hache bien affutée, notre « nécro-spécialiste » était fin prêt à seconder la faucheuse une nouvelle fois. Il prit sa voiture et roula calmement pendant une bonne heure dans les différentes banlieues de la cité, se laissant inspirer par les diverses demeures assombries… dans le but de choisir la bonne. Finalement, il découvrit la maison parfaite. Belle, grande, un peu en retrait des autres sur la fin de la rue… Elle avait ce cachet de « maison de film d’horreur ». Et l’horreur allait bientôt devenir réalité pour ses habitants.

Samuel se stationna à un bon kilomètre de la maison. Il empoigna son attirail et sortit de la voiture. Après avoir fermé la porte sans un bruit, il marcha d’un pas discret mais résolu vers le domicile. Dans la tête du psychopathe, le petit quartier nocturne n’était qu’un vaste cimetière et la maison au loin un tombeau immense qu’il s’apprêtait à profaner. Arrivé devant la porte, il sortit son passe-partout et en moins de deux se trouva à l’intérieur, dans l’obscurité totale. Il laissa ses yeux s’habituer à la pénombre et fit une visite rapide du premier étage. Cuisine, salon, salle de jeu, salle de bain. Les chambres devaient se trouver au deuxième. Le meurtrier emprunta alors le bel escalier de bois central qui menait à l’étage supérieur.

Ce qui se passa ensuite fut abominable... Quant tout fut fini, que Samuel eut rentré chez lui les habits et le visage maculés de sang, il s’écroula et se mit à pleurer pour la première fois de sa vie...

Après une fausse manœuvre dans l’escalier, la maisonnée s’était éveillée. La lumière s’était faîte et Samuel avait été confronté à une famille complète. Un homme, une femme et deux petites filles mignonnes qui venaient de sortir brutalement d’un songe espiègle peuplé de fées et de lutins. Tous des innocents. Les voir face à face dans le spectre électrique, vivants jusqu’à la moelle, apeurés mais unis dans la tourmente, purs devant Dieu… c’était trop. Il les avait trouvés beaux et tragiques. Son désir meurtrier s’était écroulé comme les empires d’un monde oublié. Et pourtant, il devait impérativement mettre fin à leur existence. Ils avaient vu son visage. Malgré les supplications nauséeuses de la mère, ils tombèrent un à un. Elle en premier, son front éclaté par l’impardonnable instrument de mort. D’un formidable élan de colère brute, le père s’était jeté sur lui en hurlant comme un animal indompté mais avait reçu la hache en plein dans la jambe droite… À deux pas du corps de sa femme, il gémissait, pleurait, implorait pour que Samuel épargne ses filles. C’était trop tard. Après avoir assisté au massacre de sa progéniture, le père émit un cri affreux, sorte de râle perçant qui secoua les fondations mêmes de la demeure. Samuel mit fin à ses tourment en laissant s’abattre l’arme sur son cou qui fondit comme du beurre. La tête de l’homme alla s’écraser grotesquement contre le mur le plus proche.

Samuel était paralysé, figé au beau milieu d’un tableau sanguinolent qui aurait trouvé sa place sur le mur du salon d’Edgar Allan Poe. Il resta là dix minutes, sans savoir quoi faire, jusqu’à ce que l’innommable vienne cogner aux portes de son esprit dérangé. La tête du père, qui dégoulinait de belle façon sur le plancher de bois franc, se retourna vers lui... Son regard fixa le sien et ses lèvres prononcèrent...

Quelques jours plus tard, on découvrit le croque-mort au bout d’une corde. Ses cheveux, qui une semaine plus tôt étaient d’un noir impénétrable, n’étaient plus que neige maladive. Il venait de terminer sa plus belle restauration à vie : une tête et un corps ré-assemblés à perfection... Curieusement, sur les lèvres du cadavre reconstitué, on pouvait apercevoir un sourire sinistre.




FIN

Le Black Metal et moi : un essai autobiographique



"Ce qu'il y a d'admirable dans le fantastique, c'est qu'il n'y a plus de fantastique : il n'y a que le réel."
[ André Breton ] - Extrait du Premier manifeste du surréalisme

"I believe the common denominator of the Universe is not harmony, but chaos, hostility and murder."
[ Werner Herzog ] - Extrait du film Grizzly Man

2001-2002 : Je suis un adolescent boutonneux à l'hygiène douteuse. Ma vie sociale quotidienne se résume à un seul pote (toujours mon grand ami) et mes parents. Je suis en secondaire cinq et ça ne va pas bien du tout. Sans réellement le savoir, je vis en fait ma toute première crise existentielle, le tout s'exprimant par une dépression sourde, agrémentée de crises d'angoisse et de désirs fréquents d'auto-anéantissement (yé !)... Renfermé sur moi-même, incapable d'exprimer ce mal-être à mes proches, je vis ces émotions troubles à travers la littérature et la musique... J'écoute alors surtout du Prog (Genesis, King Crimson, Gentle Giant, Van Der Graaf Generator, Harmonium), du Jazz (Miles & Coltrane) et du Frank Zappa (vous comprenez en partie pourquoi je n'avais pas d'amis)...

Sur un forum internet maintenant perdu dans la brume du temps, un usager (Vempyre était son pseudo - un chic type) me parle d'un style de musique on ne peut plus bucolique et ensoleillé... LE style de Metal le plus extrême de tous les temps... Une musique lourde, hypnotique, malsaine, belle et laide à la fois... Des guitares possédées, une batterie tribale, une basse inaudible et des vocaux qui sentent bon la souffrance et le dégoût... Des albums à la limite de l'écoutable, enregistrés dans le garage de chose... Des personnages burlesques qui se griment en version cadavérique des membres de Kiss et qui hurlent dans la nuit nordique... Des gens pas biens du tout qui forment des organisations satanico-terroristes, qui brûlent des églises pour s'amuser un brin, qui s'auto-mutilent et s'entretuent pour se distraire, qui vénèrent la faucheuse et le Grand Cornu (et même le plus célèbre architecte du 20ème siècle)... Face à cette mine d'informations insolites, je suis plutôt ambivalent quand à mon désir d'explorer tympanastiquement ce courant musical qui, à première vue, m'apparaît aussi ridicule que terrifiant (ok, j'étais très chicken à l'époque)... Mais la curiosité l'emporte et je télécharge (ouh ! le méchant mot !) quelques albums de Black Metal...

Révé-FUCKING-lation !!!!


Le Black Metal entre alors subitement dans ma vie et bouscule tout sur son passage pour devenir alors la bande son officielle de cette période noire de mon existence... Contrairement à bien des gens, je n'ai pas passé par la case "Metallica - Blaster of Muppets" (le "Dark Side of the Moon" du Metal... menant logiquement au Trash, puis au Death et finalement au Black). Je commence avec du vrai de vrai, du True Norwegian Black Metal : Burzum, Emperor et Enslaved. J'apprécie d'abord les deux derniers pour leur côté épique (n'oublions pas que j'étais une "Prog-whore" à l'époque). Emperor a un côté grandiloquent ("symphonies au casio") qui me plaît bien, tout comme les longues compositions psychédélico-vikings de Enslaved (King Crimson sur un drakkar !). Mais c'est surtout Burzum, le one-man band d'un certain Varg Vikernes, qui me jette le plus sur le cul. À la première écoute, je n'aime pas vraiment. Trop "tout-croche", trop morbide, trop flou, trop criard, trop malsain... Mais bizarrement, je dois être ensorcelé par les FORCES DU MAL™  parce que j'y reviens inlassablement. Il y a quelque chose d'étrangement euphorique dans cette quasi non-musique... à travers cette rumeur lointaine parvenue de la forêt agonisante... de cette voix moribonde qui gémit horriblement, crachant son fiel sur le pitoyable monde réel... de ce "buzz" incessant des cordes électriques qui nous monte à la tête comme une bouffée d'opium. Cette musique n'est qu'atmosphère, qu'émotion pure. Au même titre que la musique psychédélique des années 60, elle active le subconscient et incite au voyage ; à cet éternel périple intérieur qui, encore aujourd'hui, demeure une des choses que je recherche à travers la musique (se perdre dans une mer de sons pour mieux se retrouver après, la tête pleine d'images fantasques et divines).



C'est le début de mon addiction... Je suis junkie et le Black Metal est ma drogue de choix. J'achète d'innombrable albums (tout mon maigre argent de poche y passe) : Darkthrone, Mayhem, Ildjarn, Graveland, Immortal, Ulver, Abruptum, Summoning, Celtic Frost, Bathory, Marduk, Nokturnal Mortum, Arcturus et j'en passe. Je lis avec passion tout ce qui concerne l'histoire du Black scandinave et la mythologie qu'il y a autour : les meurtres, le fameux Inner Circle, les personnages plus grands que nature, aussi pathétiques que fascinants (comme Dead, chanteur de Mayhem, qui, selon les rumeurs, avait l'habitude d'enterrer ses vêtements dans des cimetières pour les imprégner de l'odeur de la mort ou bien de "sniffer" un corbeau mort qu'il gardait dans un sac ziploc juste pour se "mettre dedans" avant les concerts-cérémonies du groupe... Ai-je aussi mentionné qu'il s'est suicidé d'un coup de fusil en pleine tronche et que son bon ami Euronymous a pris une photo de l'après-scène pour en faire une pochette d'album ? Those crazy Norwegians !).



Je laisse pousser mes cheveux. Je fais des choix vestimentaires douteux. Je me crois nihiliste, alors que je ne sais alors pas vraiment ce que ça veut dire. Je prend de longues marches à travers la nature trifluvienne, privilégiant par le fait même cette activité onirique à mes cours de Cégep... Je vis, à travers ma passion pour le Black Metal, ma crise d'adolescence en retard... Je deviens beaucoup plus sceptique et critique (peut-être trop) par rapport aux humains et à la société qui les abritent. Je m'affirme enfin face à mes semblables, sans concession aucune. Mon modus vivandi est alors : "Les gens sont stupides et insignifiants et ce, jusqu'à ce qu'ils me prouvent le contraire". En ce sens, mon périple à travers la socialisation s'opère avec une mauvaise foi évidente mais au moins, il s'accomplit (je tiens à préciser que j'ai beaucoup changé depuis et ce, pour le mieux... ou du moins, je l'espère).

300 albums de Black plus tard... J'ai jeté mon crayon à paupière noir (grand dieux !). Mes passions musicales sont maintenant on ne peut plus vastes (de Roy Orbison à Grouper, en passant par la case Morricone) mais le Black Metal reste un de mes styles musicaux préférés (au grand déplaisir de ma copine, ceci dit). Et ce n'est pas une vulgaire passion de jeunesse à laquelle je m'accroche. C'est un amour authentique et pur ! Il y a tout dans cette musique. Des émotions brutes, non filtrées... Du beau, du laid, du tragique, du mélancolique, de l'horreur, du surréalisme, de l'absurde, de l'insensé, du somptueux, de l'abstrait... Et contrairement aux apparences, le Black, tout comme le Punk, est loin d'être un genre musical centré sur lui-même. Il est évolutif et malléable. On peut l'apprêter à toutes les sauces (voir le nombre immense de sous-genres inhérents au Black... c'est pire que le Jazz ou le Classique). S'agit de bien reproduire l'étincelle magique : ce "buzz" si caractéristique du Black (cet impossible nuage d'insectes "lovecraftiens").

Cette grande diversité peut s'entendre dans la musique du groupe américain Wolves In The Throne Room (qui combinent allègrement Black atmosphérique à la Burzum et Post-Rock), des Suédois d'Abruptum (Chaos vaguement musical : Lautréamont mis en musique, en cris et en notes de piano damnées) et de Lifelover (Ian Curtis de Joy Division en corpse paint), des Anglais de Anaal Nathrakh (Mariage intéressant entre Grindcore et Black) ou encore de l'Australien Sin-Nanna qui, sous le couvert de Striborg, fait jaillir milles fantômes à travers une musique aussi dadaïste que psychédélique, toute en réverbérations kaléidoscopiques.

Bref, j'aime le Black. J'aime son ambiance. J'aime ses acteurs. J'aime son folklore.

Sur ce, je vous laisse sur ces quelques morceaux-clés ayant fait de moi un fan invétéré :














dimanche 24 janvier 2010

Les Jours Mourants


 
 
 

 
 

*Je suis le seul propriétaire de ces images parce que c'est comme ça bon.