mardi 19 janvier 2010

Top 2009 - L'année musicale en 30 disques



2009 is gone, my friends. Et à travers cette fin de décennie kaléidoscopique, secouée par des remous aigres-doux, il y eu des disques délicieux, mirifiques, somptueux... dans lesquels il fait bon s'aventurer, s'éblouir, se perdre... Voici, sans plus tarder, le top des meilleurs albums de 2009 !

1. BROADCAST & THE FOCUS GROUP - Investigate Witch Cults of the Radio Age (Warp)

Broadcast nous revient enfin... ou plutôt, nous envoie une transmission diablement surréalisante de l'ailleurs indomptable qui les abritent maintenant... Un ailleurs vertigineux, teinté de couleurs impossibles et de milles et uns voiles ténébreux. Brume cervicale à l'état brut... Trame sonore non-officielle de Nadja d'André Breton ou du scénario incomplet d'un autre film de vampires jamais tourné par Jean Rollin (se déroulant cette fois sur la Lune de Méliès). Des images fantasques de The Wicker Man, Suspiria et Valerie and her Week of Wonders se succèdent rapidement à travers le déluge sonore gustatif... Une post-pop 60s baroque et déstructurée qui abrite d'innombrables spectres hallucinogènes (fumez des fantômes et vous gouterez au nirvana !). Cinématographie sonore bouillonnant de références et de concepts abscons et illimités. Psychédélisme bon enfant et patchwork électro-kaléidescopique foutraque... Les deux frérots de Boards of Canada se promenant dans un vaste champ et faisant un palmarès des plus beaux épouvantails qu'ils rencontrent (et saluent) sur leur route. Flashbacks de tous tes costumes d'Halloween.... Un vieux documentaire de la BBC sur les sables mouvants... Lucio Fulci portant de ridicules bretelles bleu ciel et filmant des fourmis mortes avec une caméra qui n'arrête pas de changer de forme (mais est-ce vraiment une caméra ? Ou plutôt une boîte de Pandore ? Ou une toupie russe gigantesque ? Qui sait ?)

2. LEYLAND KIRBY - Sadly, The Future Is No Longer What It Was (History Always Favours The Winners)

Ce mec est un génie. Après un Persistent Repetition of Phrases aussi émouvant que mystérieux, Leyland Kirby alias The Caretaker continue ici son constat onirique sur la mémoire et l'oubli... Ce coffret de trois disques, objet matériel, propose pourtant l'immatériel : une musique pour se perdre, une musique qui se perd magnifiquement en elle-même... sans réel début, sans fin. C'est déjà commencé quand vous appuyez "Play". Ce que vous entendez, c'est le travail insolite d'un transistor magique qui ne fait que retranscrire la quatrième dimension (le temps qui file, impitoyablement) sous le langage des sons... Et la boucle du temps, ça sonne comment ? Comme du dark-ambient surréaliste qui s'écoule avec délice dans le tympan des aventureux... comme une érosion sonore divine parsemée de notes de piano évoquant un croisement entre le thème des "Feux de l'Amour" et une Gymnopédie d'Erik Satie... Comme une pluie de poussières cosmiques voletant à travers le filtre d'une musique indéfinissable, une musique à la fois belle, nostalgique, tragique et hantée, à mi-chemin entre Angelo Badalamenti, Philip Jeck, Boards of Canada, Wendy Carlos et William Basinski. Un album qui clôt magnifiquement cette décennie musicale. Et tu retourneras poussière...

3. MOUNT EERIE - Wind's Poem (P.W. Elverum & Sun - Creators / Destroyers of Music)

La musique de Phil Elverum a toujours été empreinte d'un profond désespoir... le genre de désespoir qui vous réveille la nuit et vous arrache un océan de larmes. Wind's Poem prend ce désespoir qui, d'albums en albums, grandit chez Mount Eerie, et l'asperge d'une terreur sourde et brute. Alliant la rage nouvelle du Black Metal (ou plutôt : SA vision du Black) à la tristesse de son folk intimiste, Phil réussit à donner naissance au chapitre le plus cauchemardesque de son autobiographie musicale en constante évolution. Sa voix, faible et résignée, est parfois ensevelie par un ouragan de dissonance électrique. Le résultat est, pour le fan de Microphones ou Mount Eerie, proprement stupéfiant. Et le fan de Twin Peaks en moi se trouve aussi séduit par la reprise d'un des thèmes clés de la série sous la forme de "Between Two Miseries".

4. FEVER RAY - Fever Ray (Mute)

Un autre album lynchien (le troisième en ligne) ! Projet solo de Karin Dreijer Andersson, chanteuse (ex ?) du génial duo The Knife (avec son frérot), Fever Ray se révèle à nous comme une entité beaucoup plus sombre et torturée. On reconnaît tout de suite les milles et une voix de Karin mais elles sont maintenant accompagnées d'une musique beaucoup plus éthérée, une genre de pop-dance gothique infusée d'atmosphères surréelles, de mélancolie nordique et de percussions tribales. Fever Ray, c'est le triomphe d'une des meilleurs chanteuses pop des dernières années (voir tous les albums de The Knife et ses contributions aux albums de Röyksopp) qui réussit à prouver ici qu'elle est une artiste totale, autant du point de vue de la composition que de la production. Comme beaucoup de mes albums préférés, toute la magie cachée de Fever Ray s'est révélée à moi au fil des écoutes, nombreuses. Cet album est un labyrinthe infini où s'enchevêtrent textures hypnotiques et ambiances noctambules. Un album à savourer la nuit.

5. JIM O'ROURKE - The Visitor (Drag City)

Le grand retour du roi de la pop symphonique et ce, après des années de noise, de minimalisme nippon, de drone ambient, de délicieux covers des Spice Girls et de bidouillages sonores diverses auprès de Sonic Youth, Wilco, Nurse With Wound, Merzbow et Joanna Newsom (monsieur touche à tout). Jim O' Rourke can do no wrong, folks. Et ce, peu importe le style. Mais moi, ce que je préfère chez lui, c'est sa série d'albums pourtant chacun le titre d'un film de Nicolas Roeg (à quand Don't Look Now ? J'en frissonne déjà d'envie).

Avec ce Visitor, O'Rourke renoue avec les atmosphères des géniaux Eureka (1999) et Insignificance (2001) mais nous livre cette fois-ci un album purement instrumental qui se résume à une seule pièce de 38 minutes. Et ce sont 38 minutes de pur bonheur qui semblent en durer 1 et demi ! Il est donc essentiel de foutre le tout en mode repeat parce que c'est juste trop court, trop beau, trop bon, trop parfait, trop trop... Et c'est possiblement l'album que j'ai le plus écouté cette année. À travers cette suite art-pop-folk-baroque digne du splendissime Song Cycle de Van Dyke Parks, le maestro flirte autant avec le folk cyclique (d'inspiration reichienne) d'un Sufjan Stevens et les cordes hypnotiques d'un John Fahey. Les ambiances feutrées se dégageant de l'œuvre semblent appartenir à un folklore mystique et fusionné... S'amalgament en un tout cohérent les relents d'Americana et les sonorités japonaises (le Japon étant le pays d'adoption de Jim). Le tout est recouvert d'une aura particulière, très "mélancolie-joyeuse", très éthérée et très sixties aussi... Du genre : les Beach Boys enregistrant Smile version karaoké au pays du Soleil levant et ce, pendant que Nick Drake "mixe" sa symphonie folk improbable dans une autre pièce du même studio... En bref, écouter The Visitor, c'est comme recevoir une carte postale d'un ami cher qu'on a pas vu depuis longtemps... la lire et la relire encore et encore, jusqu'à ce qu'elle devienne musique...

6. ANIMAL COLLECTIVE - Merriweather Post Pavilion & Fall Be Kind (Domino)

 

Vous ne pensiez toujours pas que j'allais oublier les chouchous de l'année (et accessoirement le groupe de pop qui, selon moi, définit le mieux le 21ème siècle jusqu'à maintenant, ce qui n'est pas peu dire) ?!? Le collectif animalier a magnifiquement roulé sa bosse à travers toute la décennie. Ils étaient deux au départ, chantant naïvement des chansons de feux de camps avant de décider de faire beaucoup de bruit tout en se prenant pour les Boredoms américains. Ils ont ensuite agrippé leurs guitares acoustiques le temps d'un hiver psychédélique ponctué d'incantations tribales (We TIGERS !!!). De nouveaux arrivants se sont joint au collectif qui, fort de ces acquisitions, a concocté un petit chef d'œuvre d'indie-rock déstructuré où l'on retrouve aussi ces envolées minimalistes si sympathiques qui sentent bon le LSD. À travers tout ça, ils ont même eu le temps d'aller prendre le thé chez mam'zelle Vashti, se laissant bercer par sa voix enchanteresse et l'écho d'un vent lointain (et doux). Puis vint ensuite une avalanche de confiture hallucinogène, engluant magnifiquement une électro-pop devenue maximaliste et détruisant tout sur son passage. À travers toute cette dangereuse épopée, les membres d'Animal Collective étaient comme habités par l'esprit désincarné du Brian Wilson de l'époque Smile (celui qui n'est jamais vraiment revenu sur Terre). Brian veillait sur eux, le sourire en coin et son fidèle casque de pompier sur la tête.

Finalement, nous voilà là... avec ce "Merriweather" jouissif et ce "Fall Be Kind" orgasmique. Le succès commercial a finalement cogné à la porte de nos amis et ce, fort heureusement, non pas au détriment de la musique, qui, bien qu'elle se trouve à son état le plus accessible à ce jour, demeure toujours aussi belle que folle. "Girls" est la toune de l'année, ni plus ni moins. Un genre de quasi-Rn'B rétro-spatial qui te prend directement par les tripes et qui te donne le goût de sourire-sourire-sourire-et-puis-danser-sans-arrêt (youp la boum !). "In The Flowers", c'est une des plus fortes entrées en matière de l'histoire de la musique moderne. Une giclée d'étoiles multicolores en pleine gueule ; si vous me pardonnez l'expression. Et il ne faut pas oublier la ballade romantique la plus enfantine et pure de la décennie, "Summertime Clothes"... tout comme le mantra tribalo-moderne insensé qu'est "Brother Sport" (à chanter à voix haute tout en faisant du ski de fond à poil) ou bien encore "Graze" qui raconte les aventures FAN-TAS-TIQUES du cosmonaute Zamfir et de sa flûte  de Pan atemporelle dans les méandres de la galaxie QUITJILKVOT. Et je pourrais continuer encore longtemps parce que tout est délicieusement bon sur cet album et cet E.P.

Reste à voir ce que nous réservent le Collectif Animalier lors de cette prochaine décennie qui ne fait que commencer. J'en bave déjà d'extase.

7. MAGMA - Ëmëhntëhtt-Ré (Seventh)

Il y a des groupes qui ne sont géniaux qu'un moment, le temps d'un ou deux albums, et qui implosent ensuite dans la nuit des temps ou qui se mettent tout simplement à faire de la musique minable... Il y a aussi des groupes qui se réinventent, évoluent au gré des saisons, se laissant influencer par les nouvelles tendances et essayant de se les approprier dans une musique qui leur est toujours propre (certains s'y perdent aussi)... Il y a des groupes qui n'évoluent pas, bons ou mauvais. Il y a des groupes qu'on adore, qu'on déteste et puis qu'on adore à nouveau (ces fameux "comebacks" si rarement réussis)... Et puis il y a LE groupe. Celui qui, dès son premier album (en 1970), livre une musique qui est encore complètement d'avance sur notre bon vieux nouveau millénaire... Le groupe parfait et génial dont la musique évolue magnifiquement d'album en album mais de manière consciente... pour servir la cause du concept amené et l'histoire fantastique qu'elle soutient... Le groupe qui possède un univers tellement unique et particulier que ses membres ont inventé une langue qui lui est propre... Un groupe dont la musique, peu importe l'album, peu importe la date d'enregistrement, est irrévocablement intemporelle... Un groupe qui réussit à marier Free Jazz, Opéra, Prog, Psychédélisme, Littérature et Philosophie pour en faire une œuvre d'art totale... Un groupe dont l'architecte mi-fou, inventeur de mondes, dévot de Coltrane et Wagner, demeure tout simplement le meilleur batteur de tous les temps (même à 62 ans !)... Cet architecte est Christian Vander et son groupe (LE groupe) est MAGMA !!!!

Après cette lettre d'amour au plus grand groupe de tous les temps, que vous dire d'autre que ceci : Ëmëhntëhtt-Ré est un autre chef d'œuvre étonnant, mystifiant, saisissant, remarquable, rocambolesque et toutes ces sortes de choses ! Cet album clôt la superbe trilogie commencée par K.A (paru en 2004) et Köhntarkösz (1974) de la manière la plus sauvage et belle qui soit.

8. SUNN O))) - Monoliths & Dimensions (Southern Lord)

Les paysans du coin disaient que la vieille église abandonnée n'était plus un lieu sacré... qu'un mal millénaire, enfoui au tréfonds de la Terre, s'était emparé d'elle et l'avait recouverte de ses ténèbres indicibles. Amusé par ces ragots, j'empruntai un matin de Novembre la vieille route cahoteuse qui y menait. La grisaille infinie d'un ciel funeste et impie me recouvrait entièrement. Pas âme qui vive dans les parages. J'étais seul... impitoyablement seul. Seuls les gémissements insolites d'un vent glacial envahissaient mes tympans, semblant m'annoncer un éventuel déluge... La neige, tout comme la nuit, commençait à tomber lorsque se dressa enfin devant moi le bâtiment tombant en ruines...

Lorsque j'entrai dans la demeure du Malin, je fus secoué par les incantations nauséeuses des druides déments... Visiblement en transe, ils ne se souciaient pas de ma présence. L'église était un foutoir immonde... Statue du Christ étalée sur le sol poussiéreux, vitraux éclatées, bancs retournés dans tous les sens et icônes désacralisées (les yeux des personnages bibliques étaient noirs comme la suie)... Un tremblement sonore infâme me tira alors de mon état de consternation et me projeta alors dans l'horreur la plus absolue... Les druides aux visages impassibles s'étaient emparés d'instruments diverses et s'activaient à créer une anti-musique démoniaque.... aussi lente que perfide... Des cadavres animés sortirent alors d'un trou circulaire énorme, sorte d'immense tombeau creusé à même le sol de l'église... Commença alors une symphonie apocalyptique, portée par le chant des moribonds et le drone irréel des cordes possèdées... C'était comme une lente et pénible agonie... s'emparant tranquillement de votre âme et vous laissant comme paralysé... Je fermai les yeux devant le spectacle obscène mais à travers la musique, je POUVAIS VOIR.... Les cuivres se dressèrent et se portèrent aux lèvres putrides de ceux venus d'ailleurs... La voix des religieuses mortes depuis des siècles vinrent s'enchevêtrer à la mascarade infernale... J'ENTENDAIS LES MOUCHES VOLER.... JE SENTAIS L'ODEUR PUTRIDE DE MA PROPRE MORT... JE....

Lorsque je repris connaissance, c'était le petit matin. J'étais seul dans l'église. Je m'approchai de l'autel. À sa droite se dressait un grand miroir... En y contemplant mon reflet, je n'y vis que démence insensée... mes cheveux étaient d'un blanc vaporeux, des rides caverneuses défiguraient mon faciès et mes yeux... mes yeux n'étaient que trous noirs infinis... ouvrant la porte vers le néant indomptable...

9. DEMDIKE STARE - Symbiosis (Modern Love)

Voilà donc un album des plus singuliers... Demdike Stare, c'est le projet de deux types, l'un fondateur de l'excellent label Finders Keepers (responsable des rééditions de Jean-Claude Vannier, Vampires of Dartmoore, Jean-Pierre Massiera et de la trame sonore épique de Valerie and her week of wonders) et l'autre maître dans l'art du techno-dub minimal. Et qu'est-ce que ça donne ? Un album intemporel, aussi noir qu'une nuit sans lune, oscillant entre dubstep brumeux (à la manière de Burial, référence en la matière), drone mystérieux, techno vaporeux et bande son fictive de Film Noir enfumé ou de Giallo oublié par les temps.

Le son de Symbiosis est glacial, sombre et dense mais comporte aussi son lot d'influences disparates et éclatées. Extraits de trames sonores bollywoodiennes, de divagations aux claviers à la sauce Goblin et d'albums psychédéliques turques s'entremêlent dans le malaxeur magique des deux compères. Ces derniers combinent le tout et réussissent vraiment à créer des atmosphères, des mélodies et des beats uniques, abstraits, hypnotiques... Leur démarche musicale va résolument au delà du dubstep actuel. S'en résulte une des écoutes les plus subliminalement jouissive de tout 2009. 

10. EVANGELISTA - Prince of Truth (Constellation)

Elle continue d'errer dans un brouillard épais... Déclamant ses peurs, ses joies, sa souffrance, ses cris et sa folie au vide... Accompagnée de ses sombres acolytes, druides musiciens, qui définissent magnifiquement le chaos qui l'entoure, y allant de leurs cordes désespérées, de leurs dissonances guitaristiques, de leurs cymbales cristallines et de notes de piano ou d'orgue atmosphériques... Ballades hantées, avant-prog du tombeau, Jazz funèbre, bad trip de country-rock acide, ambient surréaliste... Impossible de qualifier réellement cette musique... Carla Bozulich continue d'avancer vers un vertige encore plus authentique... touchant, avec grâce, à ce néant indomptable où se perdent les PJ Harvey, Scott Walker, Sunn O))), Ligeti, Sun Ra et Grouper de ce monde...

11. NATURAL SNOW BUILDINGS - Shadow Kingdom (Blackest Rainbow)

 

Quelle découverte incroyable fut pour moi la musique de ce groupe français ultra-underground tard en fin d'année ! Ce duo existe depuis la fin des années 90 et produit des tonnes d'albums ultra-limités (des fois à une dizaine de copies seulement !) pratiquement à chaque année. Une de leur sorties de 2009, Daughter of Darkness est un coffret de 4 cassettes audio remplies à foison (6 heures de matériel !!!). De mon côté, j'ai découvert le groupe avec The Dance of the Moon and the Sun (2006) et ce fut le coup de foudre instantané. J'ai réussi, au terme de biens des efforts, à me procurer leur dernier album en date, Shadow Kingdom. Et c'est de la bombe.

Il y a tout ce que j'aime dans cette musique : du folk psychédélique, du drone ambient, des passages post-rock atypiques qui sonnent A Silver Mount Zion version "ensemble de musique de chambre médiévale" , un soupçon de prog par ci par là, beaucoup d'improvisation, une atmosphère irréelle, des field recordings, des chansons plus conventionnelles (belles à pleurer) et des titres de morceaux évoquant H.P. Lovecraft, les auteurs surréalistes et les vieux films d'épouvante.

L'album contient deux CDs et vient avec une bande dessinée sur les vampires !!!

12. LLOYD MILLER - A Lifetime In Oriental Jazz (Jazzman)

Sublime compilation couvrant la fascinante carrière d'un des maîtres injustement méconnus du jazz expérimental : Lloyd Miller. Multi-instrumentiste de génie, Miller fut un grand défricheur de musiques orientales (autant iraniennes que vietnamiennes ou indiennes) de même qu'un des pionniers dans l'art de juxtaposer ces musiques à un Jazz riche et bouillonant d'idées. Je dis bien  "juxtaposer" et non "fusionner" parce qu'à travers sa démarche artistique, Miller ne voulait pas dénaturaliser le moindrement ces traditions musicales qu'il vénérait. On navigue donc ici en plein folklore turque et perse, porté dans la beauté du oud, du santûr (sorte de cithare sur table) et du zarb (tambourin perse)... et alors que s'installe une atmosphère de délice planant, viennent se greffer à ces piécettes oniriques des instruments appartenant au monde du Jazz (contrebasse, piano, cuivres). L'osmose entre les styles est parfaite, naturelle et renversante. Une  des plus belles découvertes de l'année.

13. CURRENT 93 - Aleph at Hallucionatory Mountain (Coptic Cat)

Un nouvel album de Current 93 est toujours un événement traumatique en soi. Depuis Nature Unveiled en 1984, David Tibet et sa bande toujours changeante de joyeux psychopathes évoluent dans un créneau tout à fait à part : la fin des temps mise en musique... Et avec cette dernière offrande où la poésie cryptique d'un Tibet possédé s'enchevêtre parfaitement à un rock psychédélique lourd et acide, Current 93 réussit pleinement à dépeindre l'apocalypse dans toute sa magnificence et toute son horreur... À l'écoute de cette œuvre désolée, de ces guitares et ces claviers vieillots qui pleurent leur hargne, de cette voix de gnome décharnée qui scande des missives damnées, teintée de références littéraires et d'images surréalistes, on se sent devenir tout petit devant ce malaise monstrueux qui nous envahit l'âme et les tripes. Et je crois qu'il faut beaucoup de talent pour créer un tel effet chez l'auditeur... Aleph est la bande son idéale du Nyarlathotep de Lovecraft.

14. DIAMATREGON - Crossroad (tUMULt)

L'album de Black Metal de l'année. Puissant, extrême, sombre, torturé, inquiétant, progressif, malsain, psychédélique, évolutif, hypnotique, Crossroad se veut un hommage onirique au Blues et à cette "croisée des chemins" légendaire où Robert Johnson aurait vendu son âme au Grand Cornu pour devenir le Roi du "Delta Blues"... Un sombre joyau qui révèle ses forces et sa complexité au fil des écoutes, passionnantes. 

15. DAVID SYLVIAN - Manafon (Samadhisound)

Magnifique parachèvement d'une carrière musicale basée sur l'épuration. Beaucoup moins schizophrénique que Blemish mais encore plus abstrait et minimal. La musique n'est qu'atmosphère divine recouvrant la voix du poète (je crois que nous pouvons l'appeler ainsi).

16. KRENG - L'Autopsie Phénoménale de Dieu (Miasmah)

Une musique de rêve et de cauchemar... Un disque qui fait très "Sentiers Insolites"...  Du Dark Ambient teinté de jazz et dont l'atmosphère générale carbure au surréalisme dans sa forme la plus brute. Le tout est entrecoupé d'extraits de films-noirs, de "field recordings" bizzaroïdes et de musique concrète... Imaginez le Kammerflimmer Kollektief improvisant la trame sonore d'un film d'horreur de Bunuel et vous aurez une bonne idée de la musique spectrale de Kreng. 

17. GRIZZLY BEAR - Veckatimest (Warp)

Si j'avais un foyer, une chaise berçante, une pipe et une robe de chambre, ce serait mon album de "foyer-chaise berçante-pipe-et-café" préféré. Ce disque veut te raconter des histoires, te bercer, te cajoler, t'envouter, t'endormir (dans le bon sens du terme). Ce disque est habité par une sorte de "bonheur calme" qui fait si bon à l'âme.

18. THE FLAMING LIPS - Embryonic (Warner Bros.)

HOLY SHIT !!! Quelle surprise que cet album ! Après un album aussi doucereux (et pourtant savoureux) que At War With The Mystics, je ne m'attendais pas à un album aussi "fucked-up" de la part de nos adorables lèvres brûlantes. Embryonic, c'est une longue suite de jams alambiqués, de délires violents et instantanés à la sauce quasi kraut-rock, de prog dadaïste, de ritournelles tristounettes et psychédéliques... Le meilleur Flaming Lips depuis Soft Bulletin. 

19. MOUNTAINS - Choral (Thrill Jockey)

Le disque automnal par excellence de 2009. De la sculpture sonore à l'état brut... Du beau suspendu à l'infini... submergeant tout sur son passage et le teintant de sa couleur divine... le ciel, la forêt aux feuilles tombantes, l'après-midi chancelant, la lumière du Soleil décroissant à travers les branches mortes, l'horizon transpercé d'effusions nocturnes... De l'ambient ensorcelant qui se construit lentement, à la faveur de guitares folk mystiques, de la chaleur analogue de vieux claviers, de la mélancolie pure du piano... le tout hanté par le spectre du shoegaze et ponctué de merveilleux passages où tous les instruments se fondent en un mur de son vertigineux, sorte de noise bienveillante et émouvante... Un disque à écouter très très fort sur son I-Pod en admirant la nature environnante mourir petit à petit, somptueusement... 

20. DINOSAUR JR. - Farm (Jagjaguwar)

Dino poursuit son sublime retour en forme avec ce Farm encore plus génial que leur Beyond de 2006. C'est comme si on était en 1990 à nouveau, man (bien que j'avais seulement 5 ans en 1990 et que j'écoutais plus mes cassettes audio de Passe-Partout que Dinosaur Jr. ou Sonic Youth). Mon disque Rock de l'année. Celui que je fous dans la stéréo quand j'ai envie de boire 5-6 bières tout en faisant du "air guitar" (imitant l'incroyable J. Mascis).

21. HILDUR GUDNADOTTIR - Without Sinking (Touch)

Une violoncelliste voulant mettre l'eau et les nuages en musique... Une musique de film sans personnages, où la nature EST le personnage... Où l'instrument classique se mêle aux méandres de l'ambient, du post-rock, du minimalisme... Dur de parler d'un disque aussi épuré, aussi beau, aussi immersif, aussi émouvant... Je n'ai qu'une chose à dire : écoutez-le, qui que vous soyez, et pendant 50 minutes, vous quitterez ce monde. I Promise.

22. A FOREST OF STARS - The Corpse of Rebirth (Transcendental Creations)

Se surnommant eux-mêmes The Gentleman's Club A FOREST OF STARS, ce groupe du Royaume-Uni créé un Black Metal aussi progressif que atmosphérique. Porté par les effluves violonesques d'une Katheryne Stone (membre des légendaires My Dying Bride) touchée par la grâce, The Corpse of Rebirth est l'album de Black le plus "anglais", le plus noble et le plus victorien que j'ai jamais entendu... Quel autre album de Black comporte une pause-thé en plein milieu ?!? 

23. BLACK TO COMM - Alphabet 1968 (Type)

Je comprends pas... J'étais chez moi, peinard... Je buvais ma Tremblay et j'ai mis un disque... Et là, je me suis retrouvé dans les airs (moi qui ai le vertige d'habitude), flottant par-dessus une forêt de conifères extra-terrestres (z'étaient d'un bleu très profond et ça scintillait de milles feux argentés), parcourant des corridors inter-galactiques emplie d'une neige cosmique... Elle n'était pas froide... Elle était juste irréelle. C'était comme si la lumière d'un astre mi-Soleil mi-Lune s'était transformée en gros flocons qui m'arrivaient à la gueule par bourrasques impossibles. Sentiment d'étrangeté profonde. Tout était comme au ralenti, comme magnifié par le filtre de mes pensées absentes... J'errai dans cet unhivers qui n'a jamais existé, allant d'extase en extase... et puis j'ouvris les yeux... et m'ouvris une autre bière.

24. BLUES CONTROL - Local Flavor (Siltbreeze)

Il fait Soleil. C'est l'été. Le Soleil est mauve en fait. Et il pleut des confettis. En feu. Et dans un grand parc où un gazon millénaire se berce au gré d'un vent chatoyant, un grand pique-nique amical se déroule. Sont réunis des membres de Neu!, Suicide, The Stooges de même que quelques musiciens de Sun Ra (pourquoi pas). Tout en bouffant des sandwiches à la mortadelle et en se buvant du vin d'une qualité douteuse, nos comparses s'amusent à créer une musique géniale et ridicule (ou génialement ridicule) avec l'aide d'un Casio et d'une couple de tam-tams électriks. S'ensuit une orgie. 

25. BEN FROST - By The Throat (Bedroom Community)

Electro-Minimal-Cinématographique. Une musique qui veut t'ensorceler et t'oppresser en même temps, chaleureuse, glaciale, vorace, mystérieuse, nostalgique. Dracula s'achète une maison de campagne à Twin Peaks. Les loups électriques de tes cauchemars déferlent par milliers sur la lande... Ils s'approchent. Tu le sais. Tu as peur. Et tu adores ça. 

26. ONEOHTRIX POINT NEVER - Rifts (No Fun)

2 CDs remplis d'angoisse délavée... Écouter Rifts, c'est comme se retrouver à l'intérieur d'un Nintendo dépressif. Ou plutôt de laisser William Basinski remixer la trame sonore de Final Fantasy Adventure au Game Boy. Au menu : litanies 8-bit austères et hypnotiques, drones abstraits et sinistres (à Boards of Canada époque Geogaddi), mélancolie électrique et scintillante... 

27. COLD CAVE - Love Comes Close (Matador)

Le disque le moins viril de l'année et (peut-être) le plus stupide. Un (autre) détour inutile dans le vide artificiel des eighties, de la New-New-New-Wave et du Post-Synth-Pop froid-&-robotique façon Kraftwerk... Un autre chanteur qui se prend pour Ian Curtis et qui pleure tout son désarroi sur un seul ton... d'autres claviers rescapés d'une tournée avortée de New Order... Et pourtant... pourtant... J'aime cet album. Beaucoup. Il y a ce petit côté lo-fi qui rend le tout savoureux... Il y a quelque chose dans le son qui transforme son kitsch indéniable en un univers onirique où "sur les arbres mourants poussent maintenant des émotions"...

28. NICK CAVE & WARREN ELLIS - White Lunar (Mute)

Superbe compilation de morceaux tirés de différentes bandes sonores du grand cru de nos deux lascars : l'incroyable Nick Cave (mister Bad Seed en personne) et son acolyte Warren Ellis, violoniste des Dirty Three. On le sait déjà : Assassination of Jesse James possède une des bandes sons les plus magnifiques de tous les temps et The Proposition n'est pas à plaindre non plus. Mais le 2ème CD, plein de matériel un tantinet plus obscur, est tout aussi génial.

29. MONOLAKE - Silence (Imbalance)

Minimal Techno. Dub. Glace. Froideur. Minimal. Cérébral-Musik. Vent Cosmique. Écoute au Casque. Recommandée. 

30. ALUK TODOLO - Finsternis (Utech)

Groupe alter-égo de Diamatregon, Aluk Todolo fait dans le mariage de styles insolites pour un résultat encore plus insolite. Nous avons droit ici à un alliage mécanique entre No Wave, Kraut-Rock, Post-Punk, Psychédélisme 60s et Black Metal. Ce second album, succédant au déjà terrible Descension (2007), fait encore plus mal. Fini le côté "rehearsal de kraut-rock satanique dans le garage de mes parents" du premier opus. Ici, tout est plus cérébral et calculé... Tout est maintenant plus froid et répétitif... Ici, il n'y a plus que cette non-musique qui évolue, sans concession, à travers le filtre des ténèbres d'une nuit sans lune... Trame sonore sur l'acide de M de Fritz Lang...

HORS-CATÉGORIE : EMILY JANE WHITE - Dark Undercoat (Important)

Album originellement paru en 2007 et réédité par l'excellent label Important Records, le premier opus de Emily Jane White est une perle noire. Du folk dépressif rempli d'amertume et de désillusion. Une voix et une guitare. Parfois du piano. Mélancolie auditive pour les journées grise et mornes. Un des disques que j'ai le plus écouté en 2009.

That's all folks !!!

Je vous invite à partager, vous aussi, vos Top 10, Top 50, Top 100 ou Top 2567 albums de 2009 !

Et, si le temps le permet (cette foutue quatrième dimension de malheur !!!!), je ferai un Top des meilleurs albums Metal de l'année parce qu'il y a eu beaucoup BEAUCOUP de bonnes sorties cette année :)))).

Ciao !